Le futur. Devant vos yeux. Mais pas que vos yeux en fait. Car si chaque année, le salon Laval Virtual nous montre des expériences incroyables qui seront à portée de chacun dans quelques années, cette édition semble marquer le pas vers une nouvelle ère : l’immersion totale.
Laval Virtual, c’est l’occasion pour de nombreuses entreprises impliquées dans la réalité virtuelle de présenter leurs solutions, projets, prototypes, à des visiteurs professionnels ou simplement curieux. Parmi elles on compte des géants comme Dassault Systèmes, ou des startups fraîchement créées avec un concept qui n’attend plus qu’à devenir un produit industrialisé. Une partie du salon est également dédiée aux étudiants venus présenter un projet, pour beaucoup venus du Japon avec des objets interactifs totalement incroyables.
On y croise des journalistes, des particuliers, des entreprises, des investisseurs, des militaires… Laval Virtual c’est en fait un des rares salons des interfaces virtuelles où l’on peut tester des prototypes de ce qui sera demain communément adopté ou au contraire totalement écarté. C’est d’ailleurs ce que les étudiants japonais venus présenter leurs projets viennent chercher : le retour d’expérience massif d’utilisateurs aux différents degrés de connaissance ; un beta test grandeur nature.
On voit d’ailleurs des tendances se dessiner. Il y a deux ans, un stand sur deux utilisait un capteur Kinect comme interface : grâce à la détection de mouvement, on pouvait interagir dans des espaces de réalité virtuelle. En 2014, c’est Oculus Rift qui occupe le terrain des interfaces. Cette paire de lunettes immersives (donc vous ne voyez pas au travers) vous plonge directement dans un environnement : ludique, ou de travail. Et au milieu de cela on trouve des expérimentations un peu folles, comme un simulateur de sous-marin. Cyroul en est resté coi.
Voici un résumé des expérimentations les plus intéressantes que j’ai pu faire, en essayant à chaque fois de me projeter dans une utilisation classique chez soi ou en milieu professionnel.
Cyberith : l’immersion absolue
Oubliez tout ce que vous savez des jeux vidéo. Je n’ai pas gardé le meilleur pour la fin, voici l’expérience la plus incroyable qu’il m’a été donné de faire pendant ce salon. Si vous n’êtes pas familiers avec Oculus Rift, sachez que ces lunettes (rachetées par Facebook) représentent un point d’investissement important dans le domaine du jeu vidéo. Sony développe de son côté son propre modèle, Morpheus. Si Oculus a réussi le pari d’être léger, avec un écran impeccable et une latence quasi réduite au minimum, se pose la question de la mobilité de son propre corps. Tourner la tête permet de faire tourner la caméra dans le jeu, mais pour avancer il faut toujours appuyer sur un bouton.
Cyberith a explosé cette barrière. Son produit, le Virtualizer, représente l’immersion la plus totale possible à ce jour dans un jeu. Et pour passer beaucoup de temps sur des jeux vidéo, je peux vous dire que ma partie de Virtualize a été ma plus grande expérience vidéoludique à ce jour. Cyberith a en effet construit un module sur lequel le joueur peut se mouvoir sans se heurter, rendu aveugle par le casque Oculus, à ses meubles. Il s’agit d’une sorte de mini ring, auquel on est accroché par un baudrier, et sur lequel on peut avancer en marchant ou courant. Le socle est en fait une surface extrêmement glissante, où la matière synthétique de votre paire de chaussette permet de glisser comme si vous marchiez. Des capteurs interprètent alors le mouvement de votre pied pour vous faire avancer dans le jeu.
Si comme moi vous aviez vu cette vidéo du barbu qui joue à Skyrim comme s’il y était, imaginez ma tête quand je l’ai vu en face de moi, IRL. Tuncay Cakmak, en plus d’être l’inventeur du Virtualizer, est vraiment super sympa. Il m’a fait essayer un survival horror : dans un donjon, tout juste équipé d’une lampe à huile et d’une carte qui se dessine au fur et à mesure de mon avancée, je dois trouver la sortie en évitant les quelques monstres répartis dans les salles. J’ai vécu les 15 minutes les plus stressantes de ma vie de joueur. Avec comme petite fierté d’être l’un des seuls visiteurs à terminer le jeu, d’après l’équipe de Cyberith =) Voici une interview où il nous raconte la genèse du projet et ses ambitions. Pour résumer : il était frustré des contrôles offerts par les jeux actuels tandis qu’il a bricolé une première version dans son garage. Aujourd’hui Cyberith rencontre les studios de jeux vidéo et va lancer courant 2014 une campagne de rassemblement de fonds sur Kickstarter. Ci-dessous une interview du fondateur.
Le champ de vision total d’Oculus, plus un casque audio, plus le mouvement impeccablement coordonné entre mon personnage et mon corps, font que l’on est littéralement plongé dans le jeu. Ok, dans 20 ans, quand on relira ces lignes, on rigolera bien ; car c’est déjà ce qu’on écrivait à l’époque de l’arrivée des jeux en 3D. Mais sincèrement, Cyberith a marqué une grande étape dans l’évolution du jeu tel que nous l’abordons aujourd’hui. Si aujourd’hui Cyberith annonce avoir rencontré quelques éditeurs de jeux, aucun n’a officialisé un jeu supportant le Virtualizer. Ceci dit, l’arrivée d’Oculus Rift n’est pas encore d’actualité. Je pense cependant qu’à terme, chacun pourra s’équiper d’un Virtualizer ; et on ne jouera plus dans son salon, devant sa télé, mais dans un placard ou un bout de pièce, puisqu’un mètre carré suffit.
Laster : les Google Glass françaises
Bon mon titre est un peu racoleur. Car en réalité, l’entreprise Laster qui avait déjà une paire de lunettes exploitables en 2010 se positionne à l’opposé de Google. Ce n’est pas le grand public que Laster vise, mais les professionnels : mécanique, manutention, médecine : ce sont les secteurs privilégiés par l’entreprise française pour introduire ses lunettes ultra légères (50 g dans la version 2014 contre 250 en 2010). Pas d’app store, mais des applications dédiées aux métiers, produites par Laster. Autre point de différenciation avec d’autres modèles de lunettes : pas d’eye tracking au programme, uniquement de l’analyse de l’environnement. Le grand public risque de ne jamais porter un modèle Laster, mais ces lunettes pourront à terme dans certaines branches (haha) devenir un outil professionnel parmi les autres.
Forum8 : les Sims en vrai
Cette société japonaise a développé un incroyable logiciel de simulation de vie. Mais pas pour jouer : pour calculer les flux de population. Exemple : une station de métro. Vous pouvez visualiser, selon la configuration du lieu et des rames, le flux des voyageurs en une journée. Ainsi, si la RATP utilisait ce logiciel, elle pourrait par exemple ajuster l’horaire à quelques minutes près de certaines rames, ou installer un escalator à un endroit clé, pour décongestionner certains passages. Le logiciel est aussi utilisé pour prévoir les scénarios d’évacuation en cas de tsunami, par exemple. Et comme il est bien fait, on peut y importer plein d’éléments existants : de la carte Google Maps à des immeubles déjà réalisé dans d’autres logiciels 3D.
FamiLinkTV : un écran, deux programmes
J’avais déjà croisé cette société lors d’une précédente édition du Laval Virtual. L’idée est d’utiliser un écran polarisé pour diffuser en même temps deux programmes différents (par exemple une série et un jeu vidéo). Grâce à deux paires de lunettes, deux personnes peuvent ainsi partager la même pièce et regarder le même écran, tandis que Sylvie regarde son épisode de Grey’s Anatomy alors que Jean-Kevin joue à la PS4. Il y a un côté un peu triste de se dire que deux personnes font la même chose côte à côte mais sans partager l’expérience, mais finalement c’est comme quand chacun lit son bouquin. Et ça fonctionne plutôt bien. J’ai posé la question d’un rapprochement éventuel avec un fabriquant de solutions de divertissement du type Sony, qui produit à la fois des écrans, des media center, et des consoles de jeux ; mais pour le moment cela ne semble pas d’actualité.
Chez les étudiants japonais
- Hasegawa Lab : le Teddy Bear du futur
- Three-Dimensional Mid-Air Acoustic Manipulation : la lévitation
- Powderbow : la musique tactile
- Aquafall display
Plutôt freaky, mais inévitable : la peluche robot. Cet ours réagit au toucher, aux pressions, comme certaines poupées le font déjà d’ailleurs. Si ce n’est que celui-ci semble encore plus vrai.
Et si la lévitation ne se produisait pas via des electro-aimants mais avec des caissons de basses ? C’est possible, avec de petites particules de matières. Mais le plus fort est qu’il est possible de donner une forme à cet amas en lévitation, de le faire déplacer, grandir, détruire… Tout ça avec vos mains. Enfin une application utile au Leap Motion.
Ou plutôt digitale, car chaque petit boitier est doté de capteurs qui réagissent à la pression des doigts, le toucher, ou la lumière… Une beat box électronique et ludique, qui permet de créer des morceaux assez chouettes en enregistrant et répétant des boucles.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une projection sur un mur d’eau. Une sorte d’hologramme qui bénéficie de la matière liquide pour avoir un peu d’épaisseur. Mais au-delà de la projection, c’est l’interaction qui est intéressante ; avec un assemblage de Kinect et de Wiimote, il est possible d’interagir avec ce qui est projeté. Plus fort encore, avec des petits canons à air vous pouvez appuyer votre interaction d’un jet d’air, ce qui donne un retour physique à l’utilisateur. Enfin, pour les plus téméraires ou ceux habillés d’un K-way, on peut se faire attaquer par un dragon depuis le mur d’eau. L’astuce : un carsher caché derrière l’écran liquide qui projette de la vapeur dans votre direction.
Vivement l’édition de l’an prochain de Laval Virtual pour se projeter à nouveau quelques années en avant.