Tout a commencé la semaine dernière. Gap met à jour son site web avec comme subtil changement, le logo. Et ça a pris une tournure assez massive. Tout d’abord des particuliers ont commencé à notifier le changement de logo sur twitter, avec un avis assez négatif. Il n’a fallu que quelques heures pour que le logo Gap devienne un sujet de discussion normal, avec des réponses déjà toutes faites :
— Tiens, t’as vu le nouveau logo Gap ?
— Oui, il est moche. Je peux faire le même dans Powerpoint.
Etc. Twitter sature de messages négatifs sur le logo Gap, idem pour Tumblr… et des petits malins profitent du buzz ambiant pour créer une plateforme de détournement de logo : craplogo (entre autres), qui permet de produire n’importe quel logo sur la même base que le nouveau logo Gap. Simple, facile, immédiat, il n’en fallait pas plus pour relancer la polémique. L’auteur de ce site annonce d’ailleurs 150 000 logos créés en quelques jours. Parallèlement, un internaute crée le fake twitter @GapLogo et raffle 4 800 followers, en servant quelques blagues à propos du logo. Bref, tout cela alimente une sorte de bruit ambiant pas très positif. La question se pose même : et si c’était fake, juste un stunt pour faire buzzer ? Cette hypothèse a été démentie.
La dictature anonyme
Le message clé : ce logo ne vaut rien, l’ancien était très bien. Gap l’a entendu. Le 11 octobre, la marque annonce revenir en arrière. Je n’ai pas trop fouillé mais il me semble que c’est historique comme revirement : un logo, mondial, qui a vécu moins d’une semaine avant d’être définitivement enterré. Woah. Et tout ça à cause/grâce à la masse qui s’est exprimée sur le web. Bon, clairement, ceux que ce nouveau logo laissait indifférent (j’en fais partie je l’avoue) n’ont rien dit. Donc globalement, Gap a écouté les râleurs. Mais qu’en est-il des autres qui s’en fichent royalement ? Selon un sondage AdAge + Ipsos sur 1000 internautes, 80% n’avaient pas remarqué le changement.
Concrètement, si cette situation s’était produite en 1988, le nouveau logo de l’époque on l’aurait encore aujourd’hui. Je vois mal des millions d’individus envoyer un courrier au service consommateur de Gap, ou les éditorialistes de journaux nationaux s’insurger contre ce changement. Ce qui s’est passé aujourd’hui est assez symptomatique du glissement de pouvoir que l’on peut observer. Qui a gagné ? On ne sait pas. Ce ne sont que des anonymes, réunis autour de trois grandes zones d’action : Twitter, où Gap a inondé les timelines; Facebook, sur la fanpage de Gap ; et les blogs persos (tumblr etc) où l’info était reprise plutôt par des designers pas très ravis du boulot de leurs collègues. Et par-dessus tout cela : la presse qui, certainement amusée ou étonnée par ce phénomène, a massivement contribué à relayer la polémique.
Pourquoi ce revirement
Gap justifie dans son communiqué :
“Since we rolled out an updated version of our logo last week on our website, we’ve seen an outpouring of comments from customers and the online community in support of the iconic blue box logo.
“Last week, we moved to address the feedback and began exploring how we could tap into all of the passion. Ultimately, we’ve learned just how much energy there is around our brand. All roads were leading us back to the blue box, so we’ve made the decision not to use the new logo on gap.com any further.
Ecouter. Voilà ce que Gap en a retiré. Ils ont écouté leurs « consommateurs ». Mais en réalité les râleurs. Je suis curieux de voir combien de personnes, parmi celles qui se sont exprimées sur le logo, consomment Gap. Est-ce que en revenant en arrière la marque n’a pas montré une preuve de faiblesse, de manque de conviction ? De consensus mou ? Gap était à deux doigts de faire une erreur. La marque a annoncé pendant la polémique sur sa page Facebook vouloir changer le logo par du crowd-sourcing. Autrement dit, laisser les internautes choisir. Mh, pas forcément le meilleur choix pour s’imposer.
Du coup Gap est revenu en arrière. Le prochain logo sera très (trop ?) attendu au tournant. Mais en quelques jours, c’est quand même la deuxième marque à annuler une opération suite à un bruit négatif. Suite à l’opération Wake-up Service de Nes et aux nombreux articles interloqués que cela a suscité, la marque a tout simplement annulé son opération.
C’est certes une liberté qu’a chacun de s’exprimer sur ce qu’il apprécie / ou pas. Donner son avis c’est un peu notre passe-temps favori. Mais de là à ce que des marques s’inclinent, cela prouve une certaine évolution. Et je ne sais pas trop si c’est positif ou non, car vu de manière extrême, cela pourrait rendre les annonceurs encore plus frileux, avec la crainte de se prendre une volée de bois vert sur Twitter, ce qui fait toujours un bon papier pour la presse.
Du coup avant tout prochain changement, on aura tous en tête : « mind the gap! »…
Sources : communiqué Gap, AdAge, Mashable, CNet.
EDIT: MonsieurP rappelle que la polémique du logo occulte un peu trop l’exploitation des ouvriers de Gap. A lire par exemple ici.
wé, enfin quand même il était moche ce logo et effectivement, on pouvait faire le même sous ppt… Et je ne vois pas vraiment quel parti-pris ou incarnation de la marque il pouvait défendre.
Je veux bien qu’on reparle du bad buzz le jour où une marque se prendra une volée de bois vert sur une opé réussie.
Je suis globalement d’accord avec toi mais ce qui me fait sourire c’est que si la marque était restée sourde aux remarques de son public, on l’aurait montré du doigt en disant qu' »à notre époque, web 2.0, réseaux sociaux, communautés, etc… c’est quand même hallucinant de ne pas prendre en compte l’avis de sa communauté, bla, bla, bla… »
(même si comme tu le soulignes, les râleurs ici ne sont pas forcément les premiers clients de Gap et par conséquent ses « vrais » ambassadeurs)
Tu ne penses pas ? :)
@Ben ah oui bin la créa du logo, on pourrait doubler le volume de ce billet :) c’était pas tant ce que je voulais aborder. Personnellement il ne me faisait ni chaud ni froid (contrairement à l’ancien que je trouve outdated à mort). Et il y a la blinde de marques qui ont imposé leur logo moche. C’est juste qu’on aime pas le changement.
@Clyne oui tu n’as pas tort; cet angle aurait été certainement traité. Sûrement parceque le volume d’information sur le sujet (un changement de logo d’une marque de fringues) suscite de l’intérêt.
Encore une fois, je suis interpellé par l’indignation sélective.
C’est un nouveau superbe cas d’école démontrant la capacité de surmobilisation instantané du web, de créativité collective comme outil de pression.
Mais cette bronca demesurée pour un logo alors que GAP s’illustre par les conditions de travail déplorables de ses employés dans les workshops sans que personne ne s’en émeuve (encore cet été !)…
Je pourrirais bien à la chaîne l’ensemble des billets sur le sujet avec mon lien. Mais je vais plutôt te réserver cet honneur ;)
Pour que cette polémique rebondisse sur un vrai enjeu de contestation de cette marque : http://www.guardian.co.uk/world/2010/aug/08/gap-next-marks-spencer-sweatshops
Etrange humain non ?
Changer un logo qui avait accompagné la marque pendant 20 ans était un pari risqué pour Gap.http://wibi.us/cY5MiG
Gaëtan, tu décris très exactement ce que je pense à titre personnel. C’est ce qui me fait évoluer (plus rapidement encore depuis 1 semaine…) dans la façon de traiter les marques en tant que blogueur (moi non plus je n’ai pas hésité à taper de façon virulente, émotionnelle, notamment sur Twitter…). C’est aussi cette crainte croissante de travailler dans un environnement professionnel marketing affadi, sans prise de risque donc aucune excitation. Après avoir ralenti les processus de décision d’achat, le web provoquerait donc un marketing sur-prudent ? C’est à l’exact opposé de ce que j’attendais du web (à titre personnel toujours). Honnêteté et transparence, oui, sur-prudence donc absence d’innovation marketing, non. Ton papier arrive donc en plein au milieu de la réflexion, il faudra à un moment qu’on s’y colle à plusieurs.
@Eric, clairement, cette notion va à l’encontre de ce qu’on aurait pu imaginer il y a peu (avec toutes les affabulations du « web participatif »), et oui c’est pas très heureux… A creuser, définitivement !
C’est marrant, j’ai eu exactement le même sentiment.
Indifférent au logo, j’ai trouvé que la marque avait craqué bien vite devant les râleurs d’Internet…. (et pourtant 4chan était innocent sur ce coup là)
… et puis en regardant le sondage Ipsos, j’ai remarqué que 67% des sondés (certes sur 1000 personnes) préféraient l’ancien logo…
et là je me suis dit que la marque a fait le bon choix
oups 63%, my bad
Le consommateur au pouvoir, c’est beau de la part d’un mastodonte comme Gap.
C’est effectivement un peu triste de constater cette indignation sélective.
Je trouve qu’il serait plus utile de tous se mobiliser pour lutter contre l’affreux style vestimentaire que ces salauds imposent :-)
Plus sérieusement, je pense que le choix d’un logo est une décision qui ne doit certainement pas être soumise à l’approbation du plus grand nombre. Par contre, il serait souhaitable que leur prochain plan social ou que leurs immondes sweatshops soient eux aussi soumis à l’approbation de la twittosphère. Encore faudrait-il que celle-ci puisse se mobiliser pour autre chose que pour râler contre les grèves et pour applaudir un chat qui joue du piano.
On dirait quand meme un logo d’une société d’assurance.
J’ai lu que la firme avait testé ce logo. Il n’était pas définitif.
le fait de ne pas pouvoir le faire sur powerpoint est un critère de bon logo ?
@Tom euh non, c’était de l’humour, parmi les choses lues / entendues à son sujet.
@Joe Gap voulait dans un premier temps, face aux remarques négatives, générer un nouveau logo par crowd-sourcing, puis ils ont laissé tomber.
C’est quand même assez marrant cette reculade de Gap. Les marques qui changent de logo et dont le nouveau est moins apprécié, il y en a eu, et il y en aura encore : je me souviens encore de la polémique autour du logo couleur « carmillon » de la SNCF, que plus personne ne conteste maintenant. L’entreprise n’avait pas bronché, et avait imposé ses vues sur le long terme.
Là Gap a voulu jouer à l’entreprise compréhensive, à l’écoute de ses clients (enfin des gens qui ont râlé), et du coup a fait marche arrière toute immédiatement. Et franchement, je ne sais pas du tout si c’était le bon choix. Par rapport aux sondages d’opinion, aux désirs à court terme de ceux qui se sont exprimés, pourquoi pas.
Mais quelle image cela donne-t-il de l’entreprise ? Gap, une marque qui change d’avis dès que deux trois personnes râlent, qui avait si peu confiance en son logo qu’elle l’a retiré en quelques jours ? Mais pourquoi l’avait-elle choisi, alors ?
Une marque qui hésite, qui semble tâtonner et avancer au jugé, moi ça ne me donne pas confiance, et je me demande si ça ne pourrait pas nuire plus à son image que si elle était restée inflexible et insensible aux protestations. Après tout, si elle avait confiance en elle, qu’elle savait ce qu’elle voulait et où elle désirait aller, elle aurait assumé et continuer sur sa lancée, non ?
Ridicule l’affirmation comme quoi seul le web a ce pouvoir de faire reculer une marque mondiale. Coca Cola avec le « New Coke » s’est pris la porte infiniment plus violemment que cela, à une époque où seuls quelques rares universitaires américains connaissaient le mot internet.
Régulièrement, des agences arrivent à vendre des logos de merde à de très grande entreprise, qui s’auto-convainquent que ça doit être génial puisqu’elle viennent de le payer une fortune.
Helvetica a tellement été surutilisé que seul un génie arriverait à créer un logo fort avec. Le type qui a pondu ce logo est tout le contraire.
Alors je ne comprends pas la réaction de « oh mon dieu, on ne va plus réussir à vendre de nouveaux logos ».
Bien au contraire cette évolution signifie deux choses :
– le pouvoir va quitter les mains des commerciaux dont le bagou est tel qu’ils sont capables d’amener le client à croire que n’importe quel logo est génial, parce que le juge de paix sera absolument imperméable à cela
– Les clients découvriront qu’un vrai bon logo, c’est très difficile à produire, ça prend du temps, et aucun truc acheté au rabais ne fera l’affaire à la place (ainsi qu’aucun truc acheté très cher à des gens dont la compétence est du blabla au lieu d’être du vrai créatif).
Que du bon pour tous les gens dont la compétence est la création au lieu d’être le marketing !
@jmdesp Attention, le web a été ici un accélérateur. L’action s’est passée dans un espace-temps ultra réduit par rapport au temps que prendraient des lobbys hors web. C’est ça qui est aussi surprenant. La facilité avec laquelle il est possible de s’exprimer auprès de la marque et la rapidité de la propagation de l’information ont amené la décision de Gap. La question est : est-ce qu’ils n’ont pas réagi trop vite ?
Concernant le logo, comme je le disais je ne m’exprime pas dessus. Mais quand tu dis « que du bon pour les créatifs », attention, Gap voulait proposer pendant un temps un vote des internautes pour choisir le nouveau logo… ce qui n’est pas très positif pour le métier de créatif. D’autre part, quand on regarde les logos créés par des particuliers en guise d’alternative, il n’y a pas vraiment de très réussi. Et si Gap commence à piocher là-dedans…
[…] la marque aurait préféré écouter les râleurs, comme le pointe le blog Gaduman : « Concrètement, si cette situation s’était produite en 1988, le nouveau logo de […]
[…] étant une bonne nouvelle. (Pas toujours évident à gérer, cf Nestlé et l’huile de palme ou Gap et son nouveau logo, mais néanmoins […]
[…] n’est plus attentiste, mais compte bien décider de ses choix, et son mode de vie. Après GAP, Starbucks, c’est Michel et Augustin qui créent le buzz, mais positif cette […]
[…] Bref ! Toujours est-il que perdue, la marque a préféré demander l’avis de ses internautes pour finalement faire une totale marche arrière en écoutant ses internautes mécontents comme le pointe le blog Gaduman : https://gaduman.com/2010/10/marques/gap-face-a-la-dictature-du-web/ […]
Bonjour,
C’est vrai qu’il n’est pas terrible ce nouveau logo. Un logo peut être simple mais terriblement efficace or celui-ci ne fait ressortir aucune créativité.